Pour moi, Maman a été une compagne de parcours golfique merveilleuse car elle organisait tout, avec le sourire ; elle connaissait tout le monde dans le golf et était admirée et respectée par tous avec sa gentillesse, sa classe de grande dame et de grande championne. Elle suivait avec passion toutes les parties et ne faisait pratiquement pas de commentaires sur mon jeu, chose qu’elle laissait à mon père le grand technicien du golf comme du tennis (il étudiait avec passion les livres de Ben Hogan et de Horton Smith pour le putting).

Je ne peux pas dire l’âge exact de mes débuts car je pense que, dès que j’ai eu la force nécessaire pour tenir un club, les personnes autour de moi à Chantaco ont dû essayer de me faire jouer.  Mes premiers souvenirs concrets de golf sont les leçons avec Raymond Garaïalde vers l’âge de 8 ans. Il me félicitait quand j’arrivais au premier bunker du 1 à Chantaco, car, à cette époque, il donnait ses leçons sur un tee entre le 1 et le 9, sous un acacia qui fût foudroyé et remplacé par les pins pignons actuels.

 

C’était à une époque où venaient à Chantaco les frères Frayssineau, Jacques Mourgue d’Algue, France Boulard.  Nous faisions des 4 balles mémorables puis terminions les après-midi avec des parties de croquet au coin des enfants avec des éclats de rire et discussions chaudes et amicales.

        

J’avais également la chance d’avoir mes deux frères aînés, Bernard et François, tous les deux grands golfeurs quoique très occupés par leurs études.  Ils me faisaient jouer de temps en temps avec leurs amis tels que Gaétan Mourgue d’Algue, Michel et Jean Garaïalde et bien d’autres qui passaient à Chantaco.  Egalement, à cette époque, je jouais avec les caddies de Chantaco qui devinrent des grands noms du golf français comme Bernard Pascassio, Raymond Telleria, Dominique et Jean-Michel Larretche, Jean Delgado.  J’ai eu beaucoup de chance d’avoir à peu près leur âge car le fait de m’entraîner avec eux, de jouer des boîtes arrière (professionnelles), de faire des parties acharnées et cela fut sûrement une grande aide pour moi. En dehors de m’avoir appris beaucoup sur le golf, ce sont devenus des amis très proches.

        

Petit à petit, sans presque m’en rendre compte, je baissais de handicap, toujours l’été car je n’ai pas touché un club de golf à Paris jusqu’à l’âge de 16 ans.  Dans les compétitions d’enfants je désespérais Maman car, en tant que bonne Présidente et ne voulant surtout pas m’avantager, elle m’adjugeait un handicap correspondant au score le plus bas fait par moi auparavant et, plusieurs fois, stimulée par mon tempérament de gagneuse, j’arrivais avec encore quelques points de moins !

        

Un de mes premiers souvenirs d’enfance golfique fut, vers l’âge de 8 ans, un greensome des jeunes (réunissant un enfant de moins de 16 ans et une personne de plus de 15 ans).  Je jouais avec Papa qui devait avoir 6 de handicap et, en arrivant au 18, on nous dit que, pour gagner, il devait entrer une approche d’environ 40 ou 50 mètres de la droite du green au-dessus d’un bunker et, à ma grande surprise et joie, il le fit.  Pendant longtemps je crus que Papa jouait mieux que n’importe qui et également je sus que rien n’était impossible.  Ce fut une notion que mon père me communiqua souvent au long de ma vie et de ma carrière sportive en particulier.

        

 

Sans me le dire, au moment de partir pour l’Open des Etats-Unis de 1967, il me fit comprendre et croire surtout qu’il n’était pas impossible de le gagner !

        

Un autre de mes souvenirs concrets d’enfance golfique fut la première Alliance de Saint Jean-de-Luz que je jouais avec Jean Garaïalde.  « Jeannot » comme nous l’appelions tous à l’époque, sûrement poussé par son père qui était mon professeur, eût la gentillesse de me faire jouer cette formule si amusante et enrichissante, que je rejouai avec lui plusieurs années, d’un foursome suivi d’un quatre balles avec un pro.  Je regrette cette formule par rapport au Pro-Am où l’on peut jouer 18 trous, gagner la compétition et ne pas avoir rapporté un seul point !  Cette année-là en particulier, il fit un temps classique au Pays Basque grâce auquel on est toujours entouré de vert, il avait beaucoup plu.  Je jouais avec des grosses bottes et grâce à la patience de Jeannot nous avons gagné l’Alliance. Il me fit cadeau du putter avec lequel j’ai joué toute ma vie et donc gagné tous mes championnats sauf un ou les greens étaient très lents et pour lequel j’avais utilisé un putter plus lourd. Je pense que cela est un fait très rare dans le monde du golf de haut niveau où les joueurs changent de putter selon leur forme ou leur envie.

        

Aussi le Prix de la Maison des Basques que je jouais avec Béatrice Boulard et où nous avons gagné elle une robe de Balenciaga et moi un sac de golf plus grand que moi !  Mon handicap passa de 24 à 20 cette année-là.  Kiki, dont je parle dans le prochain paragraphe, se rappelle encore, car bien sûr il fit mon caddie, d’un second coup au cinq de la pointe surplombant la vallée, avec un bois cinq, qui m’amena plein green mais aussi d’un dramatique 4 putts au 17 où il faillit s’arracher les quelques cheveux qu’il cachait heureusement sous son béret !

        

Concrètement dans ces trois compétitions, mais aussi en général la présence de Kiki Larretche m’aida plus que personne, moi incluse, puisse le réaliser car, après avoir, au début, fait mon caddie à la demande de Papa quand je jouais des petites compétitions d’enfant, ensuite il me fit jouer très jeune dans des parties le Dimanche matin avec tous les si bons joueurs de la région. Nous allions à 8h à la messe et allions directement au golf. Lui-même avait 3 de handicap et m’a appris toutes les astuces du jeu sur le terrain comme toutes les manières d’approcher, de sortir des bois, de voir les pentes, autrement dit le sens du jeu pendant que Raymond Garaïalde m’apprenait la technique sur place avec l’oeil toujours vigilant de Papa qui mettait souvent son grain de sel par derrière.  Ensuite, quand je m’entraînais avec Jean-Claude Harismendy, qui hérita de moi comme élève, à la disparition de Raymond, je savais que Papa ne pouvait résister à intervenir de temps en temps.  Il venait voir un drive ou un fer si le temps était au beau fixe et j’en entendais parler pendant des jours voir des semaines !!  Il croyait toujours, avec son amour de père, que je pouvais jouer de la même manière à 50 ans qu’à 20, et m’en voulait presque parce que je n’y arrivais pas ou, d’après lui, je ne voulais pas le faire !  Ah ! Mon cher crocodile de père !  D’ailleurs, les coups de téléphone à Jean-Claude, ce professeur si gentil et efficace, concernaient aussi de temps en temps mes enfants.  Après avoir tant désiré un enfant champion, c’était bien sûr un rêve pour lui d’imaginer un petit-enfant champion ou un arrière-petits-enfants champion !  Mais, est-ce que le sang fait le champion ? C’est une question à laquelle j’essayerai d’apporter mon grain de sel plus loin dans ce livre sans bien sûr prétendre y répondre. 

 

Mais revenons à mes débuts ; Raymond Garaïalde savait toujours simplifier ses conseils plus que Papa et celui-ci eût l’intelligence de le laisser faire. Pour en revenir à Kiki Larretche, ce grand champion de rugby, ne l’oublions pas, il continua à suivre ma carrière golfique avec son aide à moitié paternelle, moitié amicale et le couronnement de cette si étroite association fût le premier Championnat du Monde où il « monta » à Paris avec sa femme Victorine pour me faire le caddie et m’aider par son sang froid, ses conseils golfiques, son expérience de champion et son amitié à participer à cette victoire de la France qui n’a toujours pu être répétée.  Il en usa la doublure d’un tout nouveau béret basque, acheté pour l’occasion, en le tournant sans arrêt !  Cela a été pendant longtemps  une joie de voir son grand sourire en arrivant au golf de Chantaco.  D’ailleurs je pense que beaucoup de golfeurs pensent la même chose que moi car, après sa carrière de rugbyman, puis de mécanicien, il vint comme caddie-master à Chantaco aidant par sa connaissance dans les machines qui travaillaient sur le golf. Il était aussi toujours présent pour aider mon père à ajuster un nouveau club de golf.  Je suis sûr que mon père serait d’accord que, sans lui, il ne serait jamais arrivé à mettre au point ce club de polyuréthane qui était si remarquable.  Personnellement je l’ai essayé à toutes ses phases mais aussi Olazabal, Faldo, Sandrine Mendiburu, et combien d’autres professionnels et amateurs qui l’ont essayé sous l’oeil vigilant de Kiki qui ensuite allait en rendre compte à mon père pour qu’il puisse faire les modifications qu’il jugeait utiles.  Enfin, ce club est sorti après tant d’années de travail et il aurait pu avoir le même succès que les autres inventions de mon père sans l’arrivée des bois métalliques : je pense en particulier à la Chemise Lacoste ou à la première raquette métallique inventée : la Wilson T2000, T3000, T4000 avec laquelle Jimmy Connors gagna plus de 100 tournois.  D’ailleurs, plusieurs mois après avoir céder à la pression de signer un autre contrat, Jimmy Connors téléphonait encore à mon père au milieu de la nuit pour essayer de le convaincre de lui envoyer des raquettes T2000, même sans contrat, car il n’arrivait pas à jouer aussi bien avec d’autres marques !  A mon avis, ce driver en polyurèthane allait plus droit et plus loin que les autres clubs de l’époque. Je regrette de ne pas avoir été à l’âge de pouvoir le démontrer !